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En toute liberté
11 novembre 2006

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Sur http://www.adpf.asso.fr/adpf-publi/folio/michaux/01.html

Henri Michaux / L'Aventure d'être en vie

Contre-vie

N’arrive pas à trouver un pseudonyme qui l’englobe, lui, ses tendances et ses virtualités. Il continue à signer de son nom vulgaire, qu’il déteste, dont il a honte, pareil à une étiquette qui porterait la mention "qualité inférieure". Peut-être le garde-t-il par fidélité au mécontentement et à l’insatisfaction. Il ne produira donc jamais dans la fierté, mais traîne toujours ce boulet qui se placera à la fin de chaque œuvre, le préservant ainsi du sentiment même réduit de triomphe et d’accomplissement.

Tous les signes de filiation sont pour Michaux source de honte et d’insatisfaction.

Le patronyme, d’abord : le nom dit propre, nécessairement commun, qui vous colle à la peau et vous rend semblable aux autres. À Namur, la ville de naissance, les Michaux, bijoutiers ou notaires, sont légion. À l’opposé d’Henri Beyle et de ses cent pseudonymes (parmi lesquels Stendhal), Michaux signera cependant de ce nom imposé, n’arrivant pas à "trouver un pseudonyme qui l’englobe, lui et ses virtualités".

Le nom d’Henri Michaux désignera donc, faute de mieux, l’ombre portée d’un homme qui, ayant vécu de 1899 à 1984, a tout fait pour échapper à son image incarnée et à son visage visible ("Quand vous me verrez, allez, ce n’est pas moi") ; qui a voyagé en lui, comme dans les activités créatrices et à la surface du monde, pour contrer les déterminismes et les "idées des autres, des contemporains, partout téléphonées dans l’espace", pour défaire la construction de soi par les autres au point de résister à la psychanalyse ("Freud, il veut me refiler une famille"), pour fuir enfin la "vie vassale", l’"avilissante vie", celle du moi civil et social.

L’exergue de La Vie dans les plis proclame avec violence une telle scission: "Je crache sur ma vie. Je m’en désolidarise. Qui ne fait mieux que sa vie ?" La vie "fonctionnaire" est partout disqualifiée. On ne s’étonnera donc pas si les "quelques renseignements" que, très tardivement (en 1957), Michaux consent à donner sur lui-même racontent de manière elliptique et parcimonieuse les aléas d’une telle volonté d’expatriation. Pour le reste, de grandes zones d’ombre ont été préservées : c’est qu’il lui faut tenir au secret cette existence qu’il considère comme dérisoire. Puisque le quotidien est une défaite, ce qui importe, c’est le "fantôme intérieur". L’œuvre sera une "contre-vie", animée par un désir d’effacer le corps perceptible, de lui substituer un être essentiel et minimal - un entrelacs de lignes, de dessins et de textes. D’où le refus de laisser d’autres traces que celle-là, l’absence de la voix enregistrée (de même Beckett), la rareté des portraits photographiques.

Je ne suis pas ce visage ou ce corps. Je ne suis pas ce nom. Je suis ailleurs: telle est la tension première qui préside ici à l’exercice possible de la "poésie".

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