Je fais le fort, je joue le fier, mais je vais
Je fais le fort, je joue le fier, mais je vais pas fort et j'ai souvent peur. La maladie progresse. Autant l'avouer, j'ai une trouille bleue. La marche est de plus en plus difficile, je ne suis plus comme les autres. Finies les petites courses, qui me faisaient la vie belle, les cheveux au vent, l'air partout à l'intérieur. Finies les courses, tout court, je pense déjà à me faire livrer. Les taches ménagères sont toutes épuisantes, la station debout de plus en plus précaire, je fais à peine la cuisine, ne parlons pas du repassage. Petit à petit, au fil des jours, je vois bien que je régresse à mesure que le mal me ronge. Je ne m'en aperçois pas tout de suite, mais je ressens bien à l'intérieur qu'il se passe quelque chose de nouveau en mon corps, un geste plus difficile à faire, un bruit de pas qui n'est plus le mien, une envie que je n'ai plus la force de contenter, un chemin que je ne prendrai plus jamais, jamais, jamais. A les entendre. Parce que j'ai encore la rage, parce que j'ai une foi tenace en mon pouvoir guérisseur, parce que je sais que cela fait partie de mon expérience, que l'oeuvre me travaille. ... Bref éclair de lucidité dans ma vie, quand tout me dit que bientôt, si rien ne se passe, je roulerai au lieu de marcher.