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Tu vois, là, je suis tenté de m'arrêter tellement c'est fatigant d'écrire. Pourquoi c'est si fatigant de faire ce que j'aime le plus sur cette terre, et bien au-delà ? Je me suis promis de continuer à écrire même quand je serai mort. Moi, là-haut, je veux écrire, et étudier, et comprendre, tout, et le dire, avec de jolis mots, et guérir, par le pouvoir du Verbe. Je sais donc que j'ai un long avenir et plein de temps pour égaler les plus grands, Saint-Exupéry, John Irving, Nietzsche, j'ai du chemin, d'un seul coup ça me fout les boules toute cette pression que je me mets. C'est trop haut tout ça. D'ailleurs pourquoi vouloir les égaler ? Pourquoi me mettre au-dessous ? Un objectif ?... Pour travailler mon talent, imiter les plus grands ?...

Mais comment approcher le sens de la métaphore de Saint-Exupéry ? Je ne dis même pas acquérir, tu m'étonnes.

" En vérité, le poète, le vrai poète, possède l'art du funambule. Écrire, c'est avancer mot à mot sur un fil de beauté, le fil d'un poème, d'une oeuvre, d'une histoire couchée sur un papier de soie. Écrire, c'est avancer pas à pas, page après page, sur le chemin du livre. Le plus difficile, ce n'est pas de s'élever du sol et de tenir en équilibre, aidé du balancier de sa plume, sur le fil du langage. Ce n'est pas non plus d'aller tout droit, en une ligne continue parfois entrecoupée de vertiges aussi furtifs que la chute d'une virgule, ou que l'obstacle d'un point. Non, le plus difficile, pour le poète, c'est de rester continuellement sur ce fil qu'est l'écriture, de vivre chaque heure de sa vie à hauteur du rêve, de ne jamais redescendre, ne serait-ce qu'un instant, de la corde de son imaginaire. En vérité, le plus difficile, c'est de devenir un funambule du verbe. " Maxence Fermine (Neige, p.80, Points/Seuil n°P804)

C'est en cherchant les mots de Saint-Ex que je suis tombé là-dessus. Ca me parle. Tu parles. C'est moi ça.